L’information géographique (données et cartes papier, web ou mobile) est fondamentale pour l’ensemble des acteurs du développement tout comme importent pour sa pertinence, son impact, son appropriation et sa durabilité les modalités de son accès (restreint et/ou libre – en données ouvertes ou Open Data), ses outils (propriétaires et/ou libres), ses modes de fabrique (logique isolée et/ou logiques mutualisée, participative, communautaire…).
OpenStreetMap (OSM), également connu comme le Wikipédia de la cartographie numérique, est un projet international collaboratif sur Internet qui a pour vocation de créer une carte du monde entier en licence libre, entièrement basée sur le travail volontaire de contributeurs originaires de différents pays. Les acteurs publics nationaux, la société civile, le milieu académique et le secteur privé des pays du Nord utilisent de plus en plus ces dispositifs dans une logique de mutualisation des données/coûts, d’interopérabilité et de liberté de choix technologique. Grâce à ce dispositif numérique ouvert et techniquement interopérable, il devient en effet possible de créer des contenus et services innovants, reposant sur des données géographiques, quels que soient le secteur et le support de consultation (papier, ordinateur, appareils mobiles) concernés. Dans les pays du sud, OSM constitue une ressource géomatique de référence centrale comptant parmi les jeux de données opérationnelles communes (« Common Operational Datasets » – COD) dont le centre pour les données humanitaires du Bureau de Coordination aux Affaires Humanitaires (BCAH) des Nations-Unies organise le partage sur la plateforme HDX pour l’ensemble des acteurs de l’action humanitaire et de l’aide au développement. À ce jour, la participation active des pays du sud et de l’Afrique à ce projet collaboratif mondial reste toutefois peu nombreuse et sous-représentée. Cet état de fait appelle dans les pays du sud à l’invention de dispositifs d’appui à la croissance d’OSM inédits pour les pays du nord où ce projet s’est inventé et développé de façon autonome selon une logique de contribution volontaire de temps libre (« hobby »). Pour être efficaces et pertinents, ces dispositifs doivent être à la fois adaptés au contexte des pays du sud et fidèles à la philosophie du projet OSM, à ses textes fondateurs, ses pratiques et sa gouvernance, posant à l’ensemble des acteurs du champ de l’humanitaire et du développement une équation délicate à résoudre.
Le champ de pratiques du transport public et des mobilités au nord et au sud, les expériences des acteurs de la communauté de pratiques de l’initiative DigitalTransport4Africa (dt4a) portée par l’AFD ainsi que des acteurs de l’écosystème OSM de France et d’Afrique francophone permettent de bien illustrer les termes de cette équation et de dégager des bonnes pratiques pour un usage vertueux d’OSM dans le champ du transport public et des mobilités. Si OSM est une ressource centrale pour la gestion de l’information géographique et thématique dans le champ du transport public dans les pays du nord, tel n’est pas le cas en Afrique francophone où la dynamique OpenStreetMap4Transport (o4t) reste peu connue du grand public, des praticiens du champ ainsi que des membres du projet OSM au Nord. La réalité o4t y est le fait de quelques projets économiques financés voisinant avec des initiatives communautaires bénévoles isolées. Consciente du potentiel que recèle ce champ de pratiques o4t, l’AFD, à travers l’initiative dt4a a entrepris depuis 2017 un travail d’appui au projet OSM dans son application à la thématique du transport en Afrique (projets Accra et Abidjan, ateliers dt4a de 2017 et 2018).
En 2019, l’Agence a décidé de faciliter en tant que sponsor platine la tenue les 22-24 novembre à Grand-Bassam (Côte d’Ivoire) du SotM Africa, la conférence africaine biannuelle du projet OpenStreetMap contribuant ainsi à rendre possible la participation de quelques 195 personnes (dont un tiers de femmes) en provenance de 37 pays. De manière à mieux faire connaître et à renforcer le champ de pratiques émergent o4t en Afrique, l’AFD a en outre chargé l’association française Les Libres Géographes (LLG) d’animer au SotM une journée de travail de cette communauté de pratiques o4t avec les principaux acteurs de ce champ de France (AFD, Fabrique des mobilités, Jungle Bus ), de Côte d’Ivoire (Ministère du Transport et membres du projet OSM ivoirien) ainsi que d’autres pays d’Afrique francophone (Mali, Burkina Faso, Madagascar, Sénégal, Guinée) et anglophone (Ghana).
C’est ainsi que le 23 novembre 2019 une quarantaine de participants du SotM Africa 2019 ont pris part à cette journée de travail communautaire « OpenStreetMap4Transport » avec les acteurs du transport public et de la mobilité ainsi que les membres du projet OSM de France et d’Afrique. Ensemble, ils ont suivi un programme visant à transmettre des savoirs pratiques (approche, expériences, gouvernance et outils) nécessaires à la compréhension du fonctionnement de la communauté de pratiques dt4a, dès lors qu’il est question de la mise en œuvre de projets « OpenStreetMap4Transport » dans un cadre économique ou communautaire.
Ce programme a été articulé autour des sessions suivantes :
- La présentation de l’approche et les ressources de l’AFD autour des communs numériques dans le champ du transport et des mobilités à travers l’initiative dt4A et son centre de ressources.
- Des retours d’expérience relatifs à la mise en œuvre par l’AFD au sein de cette initiative dt4a de projets de mobilité dotés d’un composanto4t réalisés à Accra (Ghana) et Abidjan (Côte d’Ivoire) en partenariat avec les ministères concernés, l’association Jungle Bus en tandem avec des opérateurs de mobilité et en coordination avec membres du projet OSM de ces deux pays.
- Des retours d’expérience relatifs à d’autres projets o4t réalisés dans un cadre projet financé par la Banque Mondiale à Bamako (Mali) ou selon des approches communautaires essentiellement bénévoles à Antananarivo (Madagascar), Ouagadougou (Burkina), Dakar (Sénégal) et Conakry (Guinée) à l’actif de membres du projet OSM de ces pays et le cas échéant de leurs partenaires.
- Une présentation et des retours d’expériences centrés sur le cadre de gouvernance du projet OSM (textes, marque déposée OpenStreetMap, pratiques de la fondation OSM et de ses chapitres locaux en matière de prestation de services) pour la mise en œuvre d’activités o4t ou pour d’autres thématiques.
- Une présentation et des retours d’expériences centrés sur la chaîne d’applicatifs pour créer, gérer et visualiser les données o4t mobilisables pour ces initiatives et utilisées avec succès depuis 2017 en Afrique.
Cette journée o4t aura permis au grand public, aux praticiens du champ des mobilités ainsi qu’aux membres du projet OSM présents de construire une compréhension commune des ressources mobilisables ainsi que des conditions de succès pour la mise en œuvre d’activités o4t selon une approche de type communauté de pratiques.
A cette compréhension a fait écho la prise de conscience de la force collective, de la puissance du collectif en cours de construction et d’affirmation à travers cette communauté de pratiques « OpenStreetMap4Transport » articulée à l’initiative « DigitalTransport4Africa » qui sort renforcée de ce SotM Africa 2019 pour la mise en œuvre de futures activités par des connaissances acquises, renouvelées ou approfondies.
A cet égard, en Afrique francophone, ce SotM Africa 2019 fera date et devrait être suivi d’un engagement accru et approfondi de l’ensemble des acteurs du champ du transport et des mobilités et des communautés de pratiques « DigitalTransport4Africa », «OpenStreetMap4Transport » et OpenStreetMap.